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Extrait

Dans Les Sectes en France, on peut lire que le gourou de la Mission d’Arès, M. Potay, multiplie les conférences annonçant : " un plan de libération pour bâtir une nouvelle civilisation de bonheur, dans l’amour, l’équité, la liberté. " (page 138)

Nous l’avons vu, le discours de la secte, dans la mesure où il prône tout à la fois des notions de liberté, d’indépendance, d’égalité et d’individualité, satisfait d’autant plus l’adepte qu’il répond à " l’obscur et archaïque désir de communion ."

M. Maffesoli proposant de se pencher sur une analyse des discours de tribuns populaires nous fait constater que leur succès n’est dû, ni au programme annoncé, ni à la rationalité de celui-ci, mais à l’écho que ces discours savent provoquer dans l’émotion, les rêves, les espoirs, les frustrations des auditeurs et leur soif d’idéaux. Or, la société idéale n’est-elle pas celle d’une cité sans violence ?

La plupart des groupes sectaires ou, tout au moins, un grand nombre d’entre eux, se réclament de l’amour, de la paix et de la non violence. C’est le " Peace and Love " des années soixante.

Le néophyte qui s’en approche ou qui y entre, y est selon les termes consacrés " bombardé d’amour " ; bombardement auquel il ne peut que succomber, car il s’agit , tout à la fois, d’un instrument de séduction et de captation, véritable montage en vue de forcer la relation ; sans doute peut-on voir là " des proto-relations de capture identitaires. "

Ceci serait suffisant pour montrer à quel point ces groupes sont, selon les termes de P. Baudry, " en proie au fanatisme de la perfection, à l’obsession d’un monde d’égaux délivrés de la mort et de la violence ."

Et pourtant, le terme lui-même de bombardement n’indique-t-il pas à lui seul les corrélations qu’il entretient avec la violence et la guerre ?

Mais, dit J. Bergeret, si la formule " Faites l’amour, pas la guerre " est acceptable sur le mode optatif, ce n’est plus le cas lorsqu’elle se décline sur le mode impératif ; elle peut constituer alors une véritable " provocation au renforcement de la tension violente ." En effet, donner un ordre à quelqu’un n’a jamais été suffisant pour garantir son efficacité et son bien fondé. En l’occurrence, si l’adepte, tenu de s’investir amoureusement, n’est pas capable d’opérer une telle métabolisation sur le plan relationnel, quelle alternative lui restera-t-il face à son impossibilité d’intégrer sa propre violence ? Quels modes de secondarisation s’offrent à lui ?

Le gourou et ses adeptes, en prônant un discours angélique non violent, en voulant nier et gommer la violence, loin de la domestiquer, semblent, au contraire, la provoquer de façon sauvage et destructrice.

R. Girard, évoquant le paradoxe qui consiste à mettre la violence au service de la non violence, écrit que " les conduites religieuses et morales visent la non violence de façon immédiate dans la vie quotidienne, et de façon médiate fréquemment dans la vie rituelle, par l’intermédiaire paradoxal de la violence ."

On le voit, lorsque la violence est niée, et c’est là un élément récurrent dans les mouvements sectaires, elle est, par la même, mise en défi. Ce défi ne peut alors, si l’on suit les thèses de R. Girard, que s’accomplir dans le délit, dans une violence destructrice et maléfique.

La médiation, par une violence à laquelle on a dénié tous ses droits, ne peut plus alors donner accès à la violence fondatrice, telle que nous la caractérise R. Girard.

Or, à propos de ses recherches sur la volonté de pacification actuelle, P. Baudry attire notre attention sur les vertus cohésives d’une " bonne violence " entre frères et soeurs ayant un même projet.

" Le mythe de la violence fondatrice : l’opération dangereuse, transgressive, fonde l’unité du groupe. Elle a également vertu d’initiation ", écrit-il, et de citer " la bande à Manson ."Celui-ci ne disait-il pas à ses adeptes en leur ordonnant d’aller massacrer Sharon Tate et ses amis : " une famille qui commet un meurtre reste unie ."

Dans Utopie et violence, J. Freund cite le cas de J. Galtung, un des membres les plus connus de la Peace Research et de la futurologie, " prêt à combattre la violence structurelle au moyen d’une autre forme de violence ."

Or, dans les sectes, le discours utopique et non violent implique plusieurs éléments majeurs sur lesquels il mérite de s’attarder.

Ce discours utopique est celui de " l’utopie réalisable " grâce à un comportement effectif, individuel ou collectif édicté par la secte afin d’accéder à ce royaume de réalité immanente.

Par là même ce discours semble bien désigner le contraire de ce qui fut pendant longtemps l’acception traditionnelle du terme. En effet, avant ce renversement de signification, l’utopie désignait ce qui, par définition, était irréalisable, de l’ordre de la spéculation ou construction intellectuelle et imaginaire.

Erigée en norme, l’utopie dans son acception de projet réalisable, va alors avoir une fonction déterminante dans le recours à la violence, le seul qui lui reste, l’ " ultima ratio ."

J. Freund écrit : " on comprend dans ces conditions pourquoi l’utopisme a fait association avec la violence, dès lors qu’il estimait que son projet était réalisable ."

Mais cet auteur voir, par ailleurs, dans l’existence de ce couple de force, une raison qui est d’ordre métaphysique. En effet, dans la mesure où l’utopisme entend restituer l’homme dans sa pureté originelle, sa nature première, la violence devient indispensable pour opérer cette transformation et décliner " le paradigme idéalisé de la société future ."

J. Freund qualifie d’explosif le mélange d’utopie et de violence et écrit : " il peut donner lieu à des actes épouvantables, à des tortures et à des tueries, paradoxalement au nom de l’espoir en une vie meilleure, plus sereine et plus harmonieuse ."

La violence alors se pare du masque de la " bonne violence ", puisque elle en sera, en principe, l’ultime manifestation et en clôturera le cycle.

Source de l'article:

http://www.vadeker.net/corpus/violence_sectes.htm#discutopi

  LA VIOLENCE DANS LES MOUVEMENTS SECTAIRES
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