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Thierry Baubet, psychiatre et membre de la commission Sauvé, a entendu de nombreux témoins et été marqué par la proximité entre les actes de pédocriminalité dans l’Eglise et ceux commis au sein de la famille. Entretien.

« J’ai fini par dire oui car je n’en pouvais plus de ses demandes », leur a raconté un homme en juin 2019. « C’est très compliqué car ce prêtre était très charismatique, très bien considéré par tous ceux qui le côtoyaient, des anciens élèves ont même créé une association pour commémorer sa pédagogie », leur a confié un autre. « Le père X, jésuite aujourd’hui disparu, était un vieux monsieur adorable qui préparait les enfants à la confirmation. Un jour, il m’a invité à le suivre dans une pièce où il avait un train électrique », leur a encore livré une femme… Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-13 et à l’Inserm, également chef de service à l’hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis), Thierry Baubet a mené avec le magistrat Antoine Garapon de nombreuses auditions de victimes pour la Commission indépendante sur les Abus sexuels dans l’Eglise (Ciase). « L’Obs » l’a questionné.

Vous nous aviez confié en début d’année avoir été marqué par la proximité entre les actes de pédocriminalité commis dans l’Eglise et ceux commis au sein de la famille. Ce constat s’est-il confirmé ? Dans quelle mesure ?

Cela s’est effectivement confirmé dans un grand nombre de cas avec un premier point commun : le mécanisme de « silenciation ». Il est très difficile pour la victime de se rendre compte qu’elle a été victime d’une violence et, quand elle le réalise, il est très difficile d’en parler. Notamment parce que l’acte a été commis par une autorité supérieure qu’on respecte infiniment, et qu’en général ses propres parents respectent aussi infiniment. Parler, quand on y parvient, revient en outre à faire voler en éclats beaucoup de choses, dans la famille aussi, comme dans les cas d’inceste. C’est également encourir le risque fort de ne pas être cru ou, peut-être plus grave encore, d’être cru mais qu’on nous demande encore de nous taire. Les mécanismes de « silenciation » augmentent considérablement l’isolement, la détresse, le sentiment de culpabilité aussi, parce que l’enfant accordait sa confiance à cette personne. On appelle de plus les prêtres « mon père », ce qui est tout sauf anodin… L’autre aspect qui m’a beaucoup marqué est l’utilisation du spirituel et du pouvoir lié à cela pour commettre ces violences.

La suite

« Certains prêtres ont mené de véritables carrières criminelles au sein de l’Eglise »
Tag(s) : #Catholicisme, #Eglise, #christianisme, #manipulation mentale, #escrocs sectaires, #pédophilie, #religion
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